• Deux silhouettes parmi les ombres,
    - On est où là ?
    - Je sais pas, j’ai peur ! Allume la lumière, allez s’il te plait, allume, t’es pas drôle !
    - Nan mais t’es vraiment une chochotte, dès qu’il fait un peu noir tu te mets à trembler. Allez tiens, prends-la ta lampe, et arrête de pleurnicher.

    Un faible faisceau traverse la pénombre qui a envahit la grotte. Les deux explorateurs se rapprochent l’un de l’autre, la présence de la lumière faisant paraitre les parois plus lointaines encore. Un battement d’ailes, loin au dessus d’eux les fait sursauter ; Martine est prise d’un rire nerveux dont le son se répercute, faisant écho au loin. Jacques s’énerve
    - Ca va pas de rire comme ça ? lui souffle-t-il à l’oreille, Tu risques de nous faire repérer !
    - Désolée, vraiment, je sais pas c’qui m’a pris. chuchote-t-elle, confuse.
    Elle étouffe son rire, reprend son souffle, glisse sa main dans celle de son frère et le prie d’avancer
    - Mais doucement hein ? J’ai pas envie de tomber.
    - T’inquiètes pas va, je sais ce que je fais.

    Ils s’avancent précautionneusement, Jacques avance d’un pas sûr, malgré sa sœur accrochée à lui. Le pied de Martine glisse sur une pierre, elle perd prise, entrainée immanquablement vers l’arrière ; elle pousse un cri strident tandis que son frère la rattrape d’une main, se raccrochant à la paroi de l’autre. Elle se love dans ses bras, le cœur battant à tout rompre.
    - C’est bon, c’est fini, dit-il, lui tapotant le dos. On avance, regarde la lumière là bas.
    - Je voulais pas crier, je voulais pas hein, je… je…
    - C’est bon je t’ai dit, mais n’vas pas tomber, il n’a pas de fond ce gouffre hein, tu t’en souviens ?
    - Oui, tu m’as dit qu’on était dans une grotte infestée de chauves-souris-vampires-géantes et que le chemin, et ben, il est tout petit et que si je tombe j’atterrirais jamais au fond, et que… et que…
    - T’as fini ? On peut y aller, ou tu comptes nous refaire le descriptif en entier ?

    Se le tenant pour dit, elle reste coite, éclairant le chemin qui les mène à la sortie. Le bruissement semble s’accentuer, les battements s’approchent de ses oreilles, elle accélère le pas, paniquée. Après quelques tours et détours, ils atteignent une porte. La lumière perce à travers. Elle se jette sur la poignée, mais la porte est fermée, verrouillée. Jacques ricane ; levant sa lampe Martine aperçoit l’éclat de la clef dans la main de son frère.
    - C’est pas drôle, allez ouvre, s’il-te-plait…
    Devant son ton suppliant, sentant les larmes dans sa voix tremblotante, Jacques capitule et introduit la clef sans la serrure ; il aime bien l’enquiquiner, mais fond à la moindre de ses larmes.

    La porte s’ouvre laissant pénétrer un rayon de soleil dans la grange de Grand-Pa, éclairant çà et là la grotte, un amas de métaux, de bottes de paille et de tissus. Tout là haut, près des fenêtres de plexiglas tendues de toile de jute, les chauves-souris roucoulent.

    Martine sort, courant vers la lumière, les yeux encore humides et se retourne vers son aîné, un grand sourire aux lèvres
    - Dis, demain, on pourra jouer à la poupée ?


    JPH encore: Un homme, Une femme enfermés à clef... tadam...

     


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  • 1. Attrapez le bouquin le plus proche

    Le premier arrivé dans ma paume ? Pearl Buck, « Les fils de Wang Lung »

    2. Ouvrir à la page 123

    3. Trouver la cinquième phrase et citer les trois suivantes

    « Ainsi les cents se rassemblèrent et Wang le Tigre les compta, et quand furent arrivés tous ceux qu’il savait qui viendraient, il donna l’ordre de tuer les bœufs et les volailles et les cochons aussi. Alors les hommes se mirent de tout cœur à cette besogne, car ils n’avaient pas mangé de très bonne viande depuis nombre de jours. Les uns allumèrent les fourneaux et les firent ronfler, d’autres allèrent puiser de l’eau à un torrent de montagne qui coulait près de là, et les autres tuèrent les bêtes, les écorchèrent et les coupèrent en quartiers. »

    4. Dénoncer le taggueur (celui qui m'a arrimée à cette chaîne)

    il s'agit d'Elvys!

    Une poétesse, un art d’écrire, étonnant, déroutant et troublant.


    5. Trouvez 5 nouvelles cibles.

    Mesoke dont la plume nous emmène, doucement, au gré du vent.

    Danielle Akapko Une scribouillarde, débrouillarde de la plume qui nous entraine dans la valse des ses mots.

    Pradoline Des mots distillés pour dire, rire, sourire, jouer, enjouer ... et surtout donner un sens à la vie.

    Mimisan Une femme qui nous parle de sa vie, sa vie au japon, là où elle est "la Gaijin" avant d’être elle, Mimisan.

    Les Mots 2B De la poésie, des mots, des maux, les siens, ou pas…

     


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  • Ca y est, les enfants sont bouclés, les valises bien sages, on va pouvoir décoller. La petite trépigne dès les premiers kilomètres « Meuh ? Meuh ? » T’inquiètes ma puce, t’auras tout le temps de les voir sur la route tes vaches. Le grand ouvre la bouche, je sens que je ne vais pas y couper « C’est quand qu’on arrive ? ». Je l’aurai parié, à peine partis et il commence à être chiant. C’est quoi aussi ton idée à la gomme là ? Partir en vacances… C’est nouveau ça que t’aimes les vacances ? Pas comme si t’en avais besoin, tu bosses pas !

    T’aurais au moins pu me demander mon avis ; bien sur que j’aurai accepté, tu sais comme j’aime ça la montagne, grimper une falaise sans filet ; tu m’aurais vu l’autre jour – t’aurais été folle – avec quelle dextre je me suis rétabli. Big boss ! Trop bon, tu n’es pas d’accord ? Mouais, toi et l’adrénaline... T’oses même pas doubler une mini comtesse parce que ça t’angoisse, alors grimper, ce n’est pas envisageable.
    Vous allez la fermer les gosses, et arrêtez de vous battre ! Encore à emmerder ta petite sœur toi ? Mais non je ne suis pas de parti pris et je sais que t’as rien dit et tu vas continuer comme ça ! Va pas l’ouvrir, hein et arrêtes de chialer, c’est les vacances merde !

    […] Je suis désolé, excuse moi, mais arrête de bramer, je t’ai dit que je m’excusais et tu sais que ça m’énerve quand tu piailles pour rien. Oui, je sais, je ne suis pas l’homme le plus sympa du monde, mais tu m’as épousé non ? Tu te rappelles les dernières vacances qu’on a faites ? On partait voir l’océan, t’attendais le p’tit couillu qu’est là derrière et le médecin disait qu’il te fallait respirer les embruns. Comme des cons on s’est barrés à Saint Nazaire ; pour l’air pur, tu peux repasser. On s’est dit que vu que l’air de la mer n’était pas bon, on allait pousser jusqu’à la montagne.

    Dès le premier regard, j’ai su ; ce jour là, sur le plateau, je t’ai dit que lorsque je mourrai, je voudrais que tu y disperses mes cendres. Le paysage était tellement paisible, ça me changerait du rythme de fou de ma vie de cadre ! Mais… Jure ! C’est là qu’on va ? Ne fais pas genre… je le sais, je reconnais la route ! Pour une surprise, c’est une sacrée bonne surprise ! T’auras même réussi à me redonner le sourire, ça n’était pas arrivé depuis ce jour où j’ai appris que j’avais c’te putain de maladie.

    Allez les mômes, découvrez cet endroit où j’ai appris à aimer la montagne, ce lieu qui m’a ouvert les yeux sur la beauté du monde. Chérie ? Ma chérie toute belle ? Pourquoi tu pleures encore ? Et c’est quoi cette boite ? Je ne l’avais jamais vue. T’approche pas comme ça du bord, avec tes yeux embués tu vas te viander, s’agirait pas que t’arrives en bas, là sans cordage, resterait pas grand chose. Tu fais quoi avec ta boite ? Oh les mômes je dis à votre mère s’éloigner du vide et vous la rejoignez ? Y a plus de respect je vous jure.
    Qu’est ce que tu fabriques là ? Pourquoi t’ouvres la boite ? Montre voir, montre je te dis ! Mais tu ne m’entends pas quand je te parle ? Mais, mais, mais c’est mon nom sur ce truc ? La poussière qui en sort m’emporte avec elle, tourbillonnant dans le vent, vers la forêt, la rivière en contrebas…
    Et tu sais, ben la rivière, elle m’emporte vers la Loire, j’vais finir à Saint Nazaire.

     

    Jeu d'écriture sur le thème des vacances, j'ai choisi la montagne et ses mots imposés: vache, océan, embruns,dextre, parti pris.


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  • J’ai remarqué que, de temps en temps, lorsque j’éteins la radio, elle continue à marcher. La première fois je ne m’en suis pas rendu compte ; parti me coucher, je l’ai découverte – grésillant – le lendemain matin. J’ai simplement cru que je l’avais oubliée. Mais aujourd’hui, j’ai beau tourner le bouton, rien n’y fait. Je tire sur le fil. Le son persiste.
    Bon, je me calme et je repose le poste dé-li-ca-te-ment.
    Je crois que je vais aller me coucher. Je dois rêver, c’est la fatigue, oui, c’est ça, la fatigue.

    Je me tourne et me retourne – rien – je ne trouve pas le sommeil, impossible de me sortir cette fichue radio de la tête. Quitte à ne pas dormir, autant que ce soit en l’écoutant. Alors, un thé, une couverture et je m’installe dans mon fauteuil favori histoire d’en savoir plus.
    Je prends la radio entre mes mains et monte le son ; toujours cette friture, je vais essayer de chercher une fréquence, ça me parait fou de faire ça, sans courant, mais au point où j’en suis…
    Rien ? Je suis déçu. Je m’attendais à quelque mystère, quelque aventure impromptue.

    Tout à coup je discerne quelque son malgré les parasites ; une musique étrange, ainsi qu’une voix, j’augmente le son :
    « Ceci n'est pas une défaillance de votre transistor, n'essayez donc pas de le régler; nous maitrisons à présent toutes les retransmissions. Nous contrôlons les graves et les aigus. Nous pouvons vous noyer sous un millier de sonorités ou dilater une simple note jusqu'à lui donner la clarté du cristal et même au delà.
    Nous pouvons modeler votre audition et lui fournir tous ce que votre imagination peut concevoir. Pendant l'heure qui vient nous contrôlerons tout ce que vous aller entendre.
    Nous partagerons toutes les angoisses et les mystères qui gisent dans les plus profonds abysses, au delà du réel. »

    Etonné de ce tour de force, mais soulagé, je ris ! Ce n’est qu’une émission de radio ! Un truc à la gomme dans le genre « vous entrez dans la quatrième dimension » Pour la peine, je vais m’en délecter ; je me pencherai sur le problème de la retransmission plus tard.
    Une heure d’angoisse et de frissons plus tard, j’émerge de ce monde parallèle où je m’étais fondu. Je m’y suis cru, tout à fait cru. C’est la première fois que je ressens autant une histoire. Elle n’était pas originale, pourtant, une sorte de martien à 3 yeux dans un monde étrange – ressemblant au notre, du moins par l’architecture – j’ai déjà vu mieux.

    Le grésillement s’est tu, enfin. Comment se fait-il que cette radio a pu me transmettre cette émission ? Mais suis-je bête ?! Ce ne peut être qu’un oubli de ma part. J’avais laissé les piles lors de ma dernière sortie. Comment ? Pas de piles ?

    Tout à coup mes trois (trois ?) yeux accrochent le miroir je me reconnais vaguement mais ce qui me choque le plus c’est cette peau verte, écailleuse… et ces deux soleils qui se lèvent par delà les immeubles.


    Jeu d'écriture (pour changer), il fallait commencer les texte par : "J’ai remarqué que, de temps en temps, lorsque j’éteins la radio, elle continue à marcher."


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  • Quand j’étais jeune et con, tiens, tout comme toi petit ; quand j’étais jeune et con donc, je m’imaginais finir riche, je rêvais d’être un mafioso sans scrupule, de porter un costume trois pièces agrémenté d’un borsalino…

    Ah ! Ce que j’aurai aimé diriger une famille, qu’on vienne me baiser la main en m’appelant « Parrain » et que même le pape me respecte ! Il est vrai que je ne suis pas né dans la cuisine du diable et que les seuls mafieux que j’ai vus se trouvaient sur une toile de ciné du quartier Montparnasse. Les Don Corleone dont j’avais toujours été le plus grand admirateur n’étaient que des acteurs… Mais quels acteurs ! Brando, de Niro, Pacino (que des O !) des hommes à l’image des mafiosi tels qu’on les imagine ! Ah ça oui… j’aurai aimé, mais voilà… Je suis né en 45, j’ai passé mon certificat d’études et je suis resté à Paris, là où j’avais grandit.

    J’en étais proche de tous ces grands ! Je n’aurai pas pu faire plus proche, j’étais devenu Projectionniste. Et toujours au Montparnasse. Bon, ce n’est plus la même petite salle, ils nous ont mis un truc énorme, « Gaumontparnasse » ils appellent ça. Et le rythme n’est plus le même, il y a tellement de films que je ne peux pas tous les connaitre, j’aimerai bien pourtant, comme à mes débuts, passer en boucle le même film et ce pendant six mois. Maintenant je n’ai plus le temps d’apprécier, cinq nouveaux films par semaine, une vraie boulimie créative !
    Je suis sûr que toi, gamin, tu n’as jamais entendu le célèbre « You’re talking to me ? » autrement que dans « la Haine » qui soit dit en passant n’est pas si mauvais, même pour un vieil inconditionnel comme moi.

    En attendant la retraite, à chaque congé, je me réfugie au Luxembourg où je file des coups de canne aux passants, comme dirait l’autre, bien qu’ils ne mangent pas de pain.

     

    Le gamin observe le vieux en coin, l’écoutant raconter sa vie – ça fait passer le temps – il s’imagine vieux lui-même, faisant le décompte de sa vie à un jeune con, assis sur un banc, au Lux. Il ne sait pas encore comment il sera, ce qu’il lui contera au gamin, pour l’instant il est en seconde Gé, pas fixé, pas encore prêt, peut être. Et puis, il a le temps non? En tout cas, il le croit. Il est encore persuadé d’avoir l’avenir et le monde (l’avenir du monde ?) entre ses mains. Bon il n’est pas dupe hein, au fond de lui, il sait bien qu’il ne l’a pas vraiment. Enfin, il s’en fout, ou pas d’ailleurs, ou pas.
    Mais c’est vrai ça ; merde ça lui colle le doute tout ça. Il fera quoi de sa vie ? Ca l’énerve le môme, une journée gâchée par des doutes à la con, il ne va plus pourvoir penser à autre chose. Pourtant, la dernière phrase du vieux projectionniste le sort de sa réflexion et lui arrache un sourire :

    J’suis content quand même… J’ai réussi à l’avoir mon borsalino !

     

     

    Jeu d'écriture, il fallait s'inspirer de cette photo de Pierre de Fenoyl



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