• Anni déambule, perdue dans ses pensées. La steppe environnante reste silencieuse. Soudain un son, clair, coloré, la ramène à la réalité. Elle se met à courir, pressée, ses souvenirs se confondant avec la réalité. On ne passe pas ainsi à quelques centaines de mètres d'un pan de son passé sans s'offrir un détour. Cet endroit, elle l’avait quitté pour un avenir meilleur, un avenir tout court, d’ailleurs.<o:p></o:p>

    Elle l’avait trouvé, loin. Elle revoyait le jour de son arrivée, ce jour où elle fût prise en charge, où elle reçu un nom, ce nom qu’elle portait encore, qu’elle avait fait sien, Anni. Elle avait vécu ici, au milieu d’autres enfants qui, comme elle, s’étaient enfin découvert un foyer. Leurs parents avaient préféré les abandonner plutôt que de les voir mourir sous leurs yeux, plutôt que de se résigner à les manger. C’était terrible en 1922, terrible.<o:p></o:p>

    Elle et les autres, ils avaient fuit, loin de tout ça, on aurait pu les suivre à la trace, il suffisait de repérer les corps décharnés laissés ça et là. Marche et crève, mais espère.<o:p></o:p>

    Leur objectif était la frontière, le gouvernement n’acceptant pas les aides, il fallait qu’ils passent s’ils voulaient manger. Toujours plus vers l’ouest, la Finlande, et là, juste après les barbelés, les OMS comme on les appelle, les attendaient. Ils sont passés, peu y sont arrivés, peu ont survécu à ce périple. Des inconnus leur ont donné à manger, à boire, les ont réchauffés, habillés, rendus à la vie.<o:p></o:p>

    Une nouvelle identité – procédure pas très légale – mais leurs sauveurs s’étaient attachés à eux. Ils ouvrirent un orphelinat pour leurs miraculés. Et c’est là qu’Anni est née. Là qu’enfin, elle se sentit cernée par la vie, la vie palpitante et impatiente, la vie éphémère et scintillante ; là qu’elle a pu être insouciante, qu’elle a pu vivre sans craindre la faim, la terrible faim.<o:p></o:p>

    Ce périple, elle s’en souvient, Anni, et là, près du premier lieu de son enfance, quand elle entend le marteau du forgeron, elle redevient la petite Annuska, celle qui courait au milieu des soufflets. Celle que l’on grondait parce qu’elle s’approchait trop du foyer, qu’elle posait ses mains sur l’enclume. Elle court, comme elle le peut, en cette matinée fraiche de 1990, elle a pu revenir en touriste, faire un pèlerinage dans ce village où elle a vu le jour, la première fois.<o:p></o:p>

    Le village est en vue ! Elle trébuche, se rattrape à sa canne, relève les yeux et s’arrête net. Il a bien changé son village. C’était sans doute bien le son d’un marteau sur une enclume… Mais laquelle ? Une immense usine occupe l’emplacement de la forge de son père ; au vu de l’emblème or sur fond rouge, ce n’est pas lui qui a fait fortune.<o:p></o:p>

    Des ouvriers, pressés, s’étonnent de voir une vieille dame plutôt bien vêtue, à genoux devant l’établissement, bredouillant des "papa, papa".


    Encore un jeu d'écriture, là il fallait caser 2 phrases:

    "On ne passe pas ainsi à quelques centaines de mètres d'un pan de son passé sans s'offrir un détour." celle ci devait être en 5 ème position

    "elle se sentit cernée par la vie, la vie palpitante et impatiente, la vie éphémère et scintillante" et celle là devait être insérée où bon nous semblait

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  •  A moitié endormi, je suis bien, là, tout contre toi. Soudain ton cœur s’accélère, tu cries ! Tu me fais mal, me serres pas comme ça ! Que se passe-t-il ? Où sont tes bras ? Maman ! J’ai froid, j’ai chaud… ma tête… Maman… Maman. Où suis-je ? C’est tout vert autour de moi, j’entends des cris, je discerne ta voix, ta voix si faible, je t’entends Maman, je suis là… Pourquoi tu ne viens pas me chercher ? Des bras, enfin ! Ce ne sont pas les tiens ! Maman ! Où es tu ? J’ai mal, Maman, j’ai peur… je t’entends là, tout près, Maman… on m’emmène… Maman !<o:p></o:p>

    Les badauds s’approchent… Des phrases flottent dans le soleil matinal « Elle a eu de la chance ! Le bus s’est arrêté à ça.» Un peu plus loin, au pied d’un panneau, les commentaires sont moins optimistes. Ces phrases, ces phrases déchirent le cœur de la mère et résonnent dans sa tête.

    Elle essaie de se lever, d’appeler. «Elle est réveillée !  Qu’est ce qu’elle dit ? Ne dites rien madame. N’essayez pas de bouger surtout, les secours arrivent » Elle tente de hausser le ton « Mon bébé… Où est mon bébé ? » on ne l’écoute pas « Calmez vous, madame » Tout à coup un cri fuse « Là dans le fossé ! Il y a un bébé ! Vite ! Il est en vie ! » L’enfant hurle, couvert de sang, sa mère le réclame, la mère est soulagée, s’il hurle, c’est qu’il vit ; une ambulance qui passait par là l’emmène.<o:p></o:p>

    Le chauffeur du car, hébété par le choc, la peur et l’alcool ne cesse de bredouiller « qu’ils sont arrivés comme ça et qu’il n’a rien pu faire ».<o:p></o:p>

    Un second véhicule médical arrive, enfin, on y charge la mère ; les secours commencent à partir, laissant là le père… pour eux condamné. La mère puise dans ses dernières forces pour protester ; finalement, ils vont le chercher et le posent nonchalamment au sol même du camion « On le déposera à l’église… ». Par acquit de conscience il lui mette de l’oxygène, pris par le temps, tout le monde se retrouve à l’hôpital.<o:p></o:p>

    La grand-mère maternelle arrive, paniquée, effarée… Personne ne s’occupe de son gendre, il est laissé là, sur une civière dans un couloir… Elle a peur, elle a perdu son mari à cause de la route, cette maudite route qui lui fait tant de malheur.<o:p></o:p>

    Le temps passe, et Dieu sait comme il s’écoule lentement le temps, dans ces cas là. Elle prie, prie encore, c’est tout ce qu’elle peut faire.<o:p></o:p>

    Elle appelle, elle veut savoir. Enfin, un semblant d’attention. Sa fille est vivante. Son petit fils risque d’énormes séquelles, son cerveau est touché. Son gendre est condamné, pas la peine d’essayer. Pourtant, elle le veut, elle, qu’on essaye, elle ne souhaite pas à sa fille d’être comme elle, veuve avant l’heure.<o:p></o:p>

    Finalement, coup de chance – si l’on peut dire – elle voit une amie, une chef de service ; lui explique la situation, depuis le matin son gendre est sur sa civière. Celle-ci fait bouger les choses. On s’occupe du père, mal en point, on le bidouille, il reste dans le coma.<o:p></o:p>

    Alors la mère et la grand-mère vont attendre, attendre encore, prier tant qu’elles peuvent. La mère est jeune encore, 25 ans à peine, elle ne veut pas perdre son époux, son homme, le père de son fils, elle veut qu’il puisse encore lui donner des enfants… Elle l’aime…<o:p></o:p>

    Elle espère la mère… et surtout, elle s’en veut ! Ce n’est pas sa faute pourtant, c’est la faute à pas de chance. Elle regardait la route, avec le levé de soleil, la brume matinale elle n’a pas vu le bus, le bus si blanc… Alors elle a dit au père d’avancer, ce qu’il a fait. Et quand elle s’est rendue compte de sa méprise, il était trop tard, le bus en surcharge conduit par un chauffeur ivre, n’a pas fait le moindre écart, il arrivait si vite que tout ce que la mère a pu faire c’est serrer son bébé contre elle le plus fort qu’elle pouvait.<o:p></o:p>

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    Une deux chevaux contre un bus… ça pardonne pas.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Après, le choc. Ils ont été éjectés, tous, son bébé lui a échappé, désespérée, elle l’a vu s’envoler. Son mari – ironie du sort – est allé frapper en plein sur les panneaux qu’il avait installés la semaine passée. Le bus s’est arrêté à moins d’un mètre de la mère, l’enfant, son enfant, a été retrouvé au creux d’un fossé – presque à sec, heureusement.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Elle ressasse, la mère et elle prie, elle alterne entre le chevet de son fils – si petit, il a tout juste un an ! – et celui du père.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Enfin, il se réveille, cela fait dix jours qu’on le dit  mort cliniquement. Plus d’espoir hein ? Elle a toujours de l’espoir, la mère. Pas de quoi la rassurer pourtant, mais elle ne lâche pas, elle le bénit de ne pas avoir donné ses organes. Il se réveille donc et il reprend vite du poil de la bête, il plaisante, plutôt vivant pour un mort. Autour de lui… un mot… un nom… il est devenu le Miraculé, ce n’est pas courant qu’un mort reprenne vie le jour de Pâques.

     

     

     

     

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    Elle ne regrette pas, la mère, elle ne regrette pas d’avoir espéré, d’avoir attendu, insisté pour qu’on ne le débranche pas, non, elle ne le regrette pas.

     

     

     

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    Aujourd’hui, ils vivent, ils gardent tous des traces de ce matin de mars.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Bien sur, ils sont abimés, mais ils sont heureux. L’enfant a 30 ans, il n’est pas comme les autres… Son rêve ? Etre quelqu’un de normal.

     

     

     

     

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    Il a une petite sœur, ses parents l’ont faite rapidement après l’accident, peut être pour faire la nique au destin. La mère est devenue grand-mère, épanouie, heureuse, le cœur sur la main.

     

     

     

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    <o:p></o:p>Alors oui, ce fut difficile, mais ils vivent… Pleins d’Espoir, grâce à l’Espoir, d’ailleurs ne dit on pas que c’est son rôle ?

     

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