• Voyage

    Ca y est, les enfants sont bouclés, les valises bien sages, on va pouvoir décoller. La petite trépigne dès les premiers kilomètres « Meuh ? Meuh ? » T’inquiètes ma puce, t’auras tout le temps de les voir sur la route tes vaches. Le grand ouvre la bouche, je sens que je ne vais pas y couper « C’est quand qu’on arrive ? ». Je l’aurai parié, à peine partis et il commence à être chiant. C’est quoi aussi ton idée à la gomme là ? Partir en vacances… C’est nouveau ça que t’aimes les vacances ? Pas comme si t’en avais besoin, tu bosses pas !

    T’aurais au moins pu me demander mon avis ; bien sur que j’aurai accepté, tu sais comme j’aime ça la montagne, grimper une falaise sans filet ; tu m’aurais vu l’autre jour – t’aurais été folle – avec quelle dextre je me suis rétabli. Big boss ! Trop bon, tu n’es pas d’accord ? Mouais, toi et l’adrénaline... T’oses même pas doubler une mini comtesse parce que ça t’angoisse, alors grimper, ce n’est pas envisageable.
    Vous allez la fermer les gosses, et arrêtez de vous battre ! Encore à emmerder ta petite sœur toi ? Mais non je ne suis pas de parti pris et je sais que t’as rien dit et tu vas continuer comme ça ! Va pas l’ouvrir, hein et arrêtes de chialer, c’est les vacances merde !

    […] Je suis désolé, excuse moi, mais arrête de bramer, je t’ai dit que je m’excusais et tu sais que ça m’énerve quand tu piailles pour rien. Oui, je sais, je ne suis pas l’homme le plus sympa du monde, mais tu m’as épousé non ? Tu te rappelles les dernières vacances qu’on a faites ? On partait voir l’océan, t’attendais le p’tit couillu qu’est là derrière et le médecin disait qu’il te fallait respirer les embruns. Comme des cons on s’est barrés à Saint Nazaire ; pour l’air pur, tu peux repasser. On s’est dit que vu que l’air de la mer n’était pas bon, on allait pousser jusqu’à la montagne.

    Dès le premier regard, j’ai su ; ce jour là, sur le plateau, je t’ai dit que lorsque je mourrai, je voudrais que tu y disperses mes cendres. Le paysage était tellement paisible, ça me changerait du rythme de fou de ma vie de cadre ! Mais… Jure ! C’est là qu’on va ? Ne fais pas genre… je le sais, je reconnais la route ! Pour une surprise, c’est une sacrée bonne surprise ! T’auras même réussi à me redonner le sourire, ça n’était pas arrivé depuis ce jour où j’ai appris que j’avais c’te putain de maladie.

    Allez les mômes, découvrez cet endroit où j’ai appris à aimer la montagne, ce lieu qui m’a ouvert les yeux sur la beauté du monde. Chérie ? Ma chérie toute belle ? Pourquoi tu pleures encore ? Et c’est quoi cette boite ? Je ne l’avais jamais vue. T’approche pas comme ça du bord, avec tes yeux embués tu vas te viander, s’agirait pas que t’arrives en bas, là sans cordage, resterait pas grand chose. Tu fais quoi avec ta boite ? Oh les mômes je dis à votre mère s’éloigner du vide et vous la rejoignez ? Y a plus de respect je vous jure.
    Qu’est ce que tu fabriques là ? Pourquoi t’ouvres la boite ? Montre voir, montre je te dis ! Mais tu ne m’entends pas quand je te parle ? Mais, mais, mais c’est mon nom sur ce truc ? La poussière qui en sort m’emporte avec elle, tourbillonnant dans le vent, vers la forêt, la rivière en contrebas…
    Et tu sais, ben la rivière, elle m’emporte vers la Loire, j’vais finir à Saint Nazaire.

     

    Jeu d'écriture sur le thème des vacances, j'ai choisi la montagne et ses mots imposés: vache, océan, embruns,dextre, parti pris.


  • Commentaires

    1
    danielle
    Dimanche 7 Septembre 2008 à 22:45
    Vraiment génial et original!
    2
    LAMYsanspseudo
    Lundi 10 Novembre 2008 à 12:22
    Citation : "T?auras même réussi à me redonner le sourire, ça n?était pas arrivé depuis ce jour où j?ai appris que j?avais c?te putain de maladie."

    Est-ce bien sûr ? Chez certaines personnes le sourire ne disparait pas lorsqu'elles apprennent qu'elles sont la proie d'une "putain de maladie". Surtout avec un tel entourage familiale !



    Vraiment très originale, cette histoire : amusante et tristounette à la fois. Elle s'apparente plus à un conte qu'à une nouvelle, mais qu'importe ! Du moment que ce texte est agréable à lire. Quoi qu'il en soit, nous finirons tous à Saint-Nazaire ou ailleurs. L'authenticité des sentiments est plus important que le caractère plausible ou non de l'évènement ainsi raconté.

    Étonnante "vacances", tout de même...
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